“Le monde dans tous ses états”: ce n’est pas d’aujourd’hui car c’est le titre d’une conférence ayant eu lieu il y a quelques mois déjà. Revenons sur cet événement organisé par la Société Académique du Valais en Novembre 2012.
La Société académique du Valais a invité le public à s’interroger sur les crises que traverse notre monde et sur les moyens de les atténuer. Six conférenciers de renommée nationale et internationale ont présenté leur vision des défis à venir en matière de société, d’économie, d’environnement.
Récapitulatif des conférences:
1) Un milliard d’années d’histoires des changements climatiques
par Pascal Tissières, ing. GC, président de la Fondation Tissières qui gère le musée des sciences de la Terre, Martigny
Changements climatiques et Histoire de la Terre sont intimement liés. La Terre a connu de nombreuses périodes de froids intenses et de chaleurs dévastatrices. Ces périodes ont bel et bien été enregistrées par les couches géologiques. L’histoire de la vie sur Terre a été fortement marquée par ces climats extrêmes. Quels en sont les facteurs déterminants et quelles incertitudes sur l’évolution du climat ?
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2) Le changement climatique et ses différentes incidences
par Mannava V.K. Sivakumar, acting Director Climate and Water Department (CLW) World Meteorological Organization, Genève
Des sécheresses plus intenses et plus persistantes ont été constatées sur des zones plus étendues depuis les années 1970, en particulier dans les régions tropicales et subtropicales.
• L’assèchement du sol lié à la hausse des températures et la diminution des précipitations ont contribué à l’aggravation des sécheresses.
• L’évolution des températures de surface de la mer et de la configuration des vents ainsi que la diminution du stock nival et du manteau neigeux ont également une incidence sur les sécheresses.
• La fréquence des épisodes de fortes précipitations a augmenté sur la majeure partie des terres émergées, en raison du réchauffement et de l’augmentation de la teneur de l’atmosphère en vapeur d’eau.
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3) L’Evolution de l’agriculture au niveau mondial et sa contribution à l’Economie verte. Engagements pris lors de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable RIO+20 et conséquences sur l’orientation stratégique de la politique agricole suisse.
par Jacques Chavaz, Directeur suppléant de l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG)
Dans ce contexte, Rio +20 entend repositionner l’agriculture durable comme un élément central de l’économie verte pour le développement durable, la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté. En 1996, la Suisse a fait oeuvre de pionnier en ancrant les principes d’une agriculture durable et multifonctionnelle dans sa Constitution. Elle reconnaissait ainsi les contributions économiques, environnementales et sociales des systèmes agricoles et agroalimentaires. La stratégie 2025 de l’Office fédéral de l’agriculture «Réussir par la durabilité » vise à consolider cette voie à travers une approche intégrée et cohérente sur l’ensemble de la chaîne alimentaire. Elle vise l’intensification mesurée et durable de la production agroalimentaire par une utilisation plus efficiente des ressources naturelles et de l’énergie, le renforcement de la résilience économique et environnementale des systèmes de production et la promotion de la vitalité des espaces ruraux.
4) Analyse des crises économiques et financières, constatées à l’échelle de la planète, les causes et les risques qu’elles font courir. Quels remèdes sont à adopter ?
par Paul H. Dembinski, directeur de l’Observatoire de la finance à Genève
Au terme des trente dernières années, les pays occidentaux ont massivement adossé des promesses de rentes et de retraites aux volumes d’épargne détenus durablement sous forme de liquidités financières. La viabilité à long terme de ces constructions faites de promesses dépend aujourd’hui du rendement des générations successives d’instruments financiers. Cette évolution a progressivement soumis l’activité dite productive à une ponction croissante réclamant un volume toujours plus grand – en termes absolus et en proportion – de la valeur ajoutée au nom de la rémunération de l’épargne financière. C’est ainsi que l’exigence de rendement, financière à l’origine, a infiltré d’abord l’ensemble de l’économie pour ensuite imprégner toute la société jusque dans la culture et la vie quotidienne. Aujourd’hui les sociétés occidentales se trouvent dans une situation paradoxale : les exigences de rendement dérivées du projet financier entravent leur présent, leur liberté et leur autonomie, y compris leur autonomie politique. Il n’en demeure pas moins que la crise actuelle rend cet « avenir radieux » fait de promesses de rendement aussi chimérique que celui proposé jadis par l’utopie communiste. Les progrès de la logique financière ont été grandement facilités par la justification politique de la dérégulation qui les a accompagnés, ainsi que par l’expression de la rationalité financière sous forme de « lois » et autres « théorèmes » couronnés par des prix Nobel. Le rouleau compresseur de « l’éthos de l’efficacité », ainsi validé par des vérités « démontrées », a progressivement surmonté les résistances morales et éthiques. C’est dans ce contexte que doit être interprétée l’actuelle rupture systémique (Observatoire de la finance, Genève).
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5) Défis d’une pénurie alimentaire mondiale et conséquences de la disparition des paysans sur toute la planète
par Philippe Desbrosses, Docteur en Sciences de l’Environnement (Université Paris VII) , Expert consultant auprès de l’Union Européenne, Co-Fondateur des principaux Mouvements d’Agriculture Biologique en France et en Europe
En un siècle, l’emballement de la civilisation industrielle a mis la planète exsangue, au point de menacer l’existence même de l’espèce humaine. Les valeurs universelles de solidarité et la notion de « bien commun » ont été sacrifiées aux seules valeurs marchandes. Là résident les causes les plus évidentes du désordre mondial actuel. L’un des gigantesques enjeux du XXIème siècle est de nourrir sainement et économiquement une population mondiale en constante expansion alors que les ressources planétaires s’amenuisent, notamment les ressources en terre arable et les ressources en eau, et peut-être aussi, surtout, les connaissances traditionnelles, libres d’accès, et les «savoir-faire» adaptés naturellement aux conditions locales et aux besoins des populations. Nous savons depuis toujours que pauvreté et dégradation de l’environnement vont de pair avec leurs conséquences tragiques de migrations, de guerres et d’épidémies. Il faut d’urgence inverser la tendance et redonner priorité aux agricultures paysannes respectueuses des terroirs et des ressources et beaucoup plus efficaces économiquement que l’agriculture industrielle dont les coûts externes et les méfaits sont d’ores et déjà devenus insupportables. Les bouleversements de notre époque vont nous obliger à répondre aux besoins urgents qu’impliquent les pénuries d’énergie fossile, d’eau douce, de terres arables et de compétences pratiques, ceci afin de faire face au grand défi de la surpopulation, du réchauffement climatique et de la dégradation accélérée des terres arables.
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6) Objecter à la croissance du PIB: une hérésie raisonnable et indispensable?
par Pietro Majno, Médecin, membre du Réseau d’Objection de Croissance de Genève (www.roc- ge.ch)
Le constat est consensuel: l’impact du mode de vie des sociétés occidentales est tel que nous utilisons le capital plutôt que les intérêts de la Nature. Renouer avec un mode de vie soutenable devrait être la tâche principale de l’humanité. Pour y arriver, il est indispensable de diminuer la consommation d’énergie et de matières, et ceci est incompatible avec un état de croissance économique. Est-ce si grave? La décroissance du PIB signifie-t-elle forcement une diminution de notre qualité de vie? Pas nécessairement: l’utilité de plusieurs aspects de notre économie peut être remise en question. Pour ne citer que quelques exemples, l’obsolescence programmée des objets, la publicité, la mode, l’intérêt de la dette au delà de la provision pour le risque, le commerce d’armes, le choix excessif, la propriété individuelle des biens d’utilisation sporadique, les déplacements de biens et de personnes. Les principes et les règles des limites à respecter ne seraient pas difficiles à identifier. Certains acquis de notre mode de vie devraient être abandonnés: il faudrait rationner l’accès à l’énergie et aux matières premières, mieux repartir les emplois, travailler moins et gagner moins. Il faudrait trouver d’autres modes de financement des services publics que les impôts sur les transactions ou les profits. En échange on pourrait avoir une société plus juste et plus stable; plus de temps à disposition pour prendre soin de nous, dans un environnement plus beau et plus sain.
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